Un texte extrait de ma « chambre secrète » mon premier bouquin. J’ai pendant une dizaine d’année voyagé au Togo sur le canton de kuma pour accompagner la création de jardins d’enfants qui existent encore aujourd’hui. J’ai vécu une expérience humaine d’une rare beauté et intensité. je n’avais tout simplement plus peur de rien tant j’étais émerveillée par ce que je vivais. Je vous raconterais un jour plus en détail car un blog sans le Togo n’est pas envisageable pour moi. En attendant, voici un texte que j’ai écrit, une offrande pour des êtres chers.
Là bas, chez eux, au-delà de mon désert ma première impression fut la chaleur. Pas cette chaleur d’été à la française : sèche, qui te plombe, te grille comme la saucisse sur le barbecue. Cette chaleur de chez moi pourtant toujours étrangère, apprivoisée pour dorer seulement la surface et laisser l’intérieur froid comme du béton armé…
Rien à voir !
Cette chaleur-là vient d’ailleurs : de l’intérieur, de l’extérieur en même temps… Elle est imbibée, imprégnée dans la moindre cellule de leur être, de leur peau d’ébène. Dans le regard de ce douanier, dans celui du porteur de bagages, elle respire de partout… Elle sent la vie ! Celle dont je n’aurais même pas pu imaginer qu’elle pouvait exister encore quelque part. Le vieux rêve abandonné au fin fond de la nuit…
Tout ce que j’entendais, sentais, regardais me le rappelait… Les moustiques, la misère, l’inconfort, les préjugés, tout volait en éclats à la vitesse de la lumière. J’étais submergée, anéantie de bonheur. Les mots ne pouvaient ni entrer, ni sortir, en dehors de : « c’est incroyable ! »
En cet instant, je voulais crier, harponner le monde : « Eh, oh, retournez-vous, regardez, pas si loin de chez vous, ça existe des hommes et des femmes qui n’ont pas encore vendu leurs âmes au diable ». Mais avant même que le cri ne sorte, j’entendais déjà son écho : « Misérable, sans intérêt »
De quelle misère parle-t-on ? Pas de la même sans doute. Mon impression est plutôt que les misérables, les handicapés du vivant, c’est nous !. Eux, sont les riches. Les plus grosses fortunes intérieures planétaires sont sur ce sol sans goudron, cette terre de pardon, d’offrandes, de réconciliation…
En toute sincérité, la beauté du paysage humain qui s’est imposée à moi ne pourra jamais à mes yeux se placer devant toute autre considération. Ces frères-là ont l’essentiel et surtout pas besoin de nous ! Le couvercle a seulement besoin d’être soulevé pour que l’odeur succulente s’en dégage et embaume…
Ce n’est pas rien en effet, mais c’est rien de ce que l’on voudrait bien nous faire croire en tout cas ! Tant d’années d’étouffement. Un pied blanc de géant s’est abattu sur leur terre, écrasant tout sur son passage. Maintenant, il faut réparer une des plus grandes escroqueries de tous les temps !
Moi je m’incline et j’aime…
Mais laissons les grands discours pour permettre à ces hôtes de marque de s’installer à ma table.
Vous êtes impressionnés, je le sais, ce n’est pas si souvent qu’on vous réserve une telle place. En général c’est plutôt l’armée, la police qui vous attend au pied de l’avion pour séquestrer votre bonté des fois qu’elle arriverait à passer nos frontières !
Pour aujourd’hui, en notre compagnie vous allez être rois et reines…
Vous, les oubliés du monde… A la place de choix. Au cœur de moi-même, au pied du grand baobab reliant ciel et terre, une graine d’attention a illuminé ma vie. Terre d’Afrique, Togo enseveli sous une décharge blanche de misère, terre promise de tous les possibles. Tu étais là majestueuse femme du monde dans ton pagne étincelant de bonté. Tout à la fois mère et déesse des petits riens qui sont tout. Un pagne fraîchement lavé, plié sur l’oreiller, qui devait accueillir mon corps réchauffé pour la nuit. Les tongs du petit matin attendant patiemment au pied du lit, le réveil de la Reine d’un jour. Le banc tout à coup prêt à recevoir mon corps fatigué précisément au moment juste, sans savoir par quelle magie il est arrivé là !
Et ce repas servi assise sur la terre, succulente alchimie des mets que je préfère. Mais comment le savaient-ils ?
Désiré, Nicolas, Bella et les autres, vivants ou sur–vivants de ce petit bout de terre oubliée de tous, magiciens du silence, de la vie éternelle, de l’attention exacte… Par eux, j’étais comblée, nourrie, régénérée, éclairée ! La lumière brillait de tout son éclat comme le rayon qui traverse les vitraux de l’église, qui se pose juste à l’endroit où mon âme avait besoin de chaud. Comme jamais auparavant, je recevais l’offrande. Trente-cinq années de vie sans avoir su ! Comment ai-je pu vivre avant sans savoir que l’amour c’était ça…
Une minuscule perle de rosée posée sur la conscience, rien du tout pour beaucoup, mais tellement pour moi.
L’indicible est là comme un puits dans le ciel, un soleil posé sur le dos de mon existence…
Merci
1 février 2018 at 18 h 02 min
Très beau et tellement vrai ❤
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1 février 2018 at 21 h 20 min
Merci Flora.
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1 février 2018 at 18 h 17 min
Une rencontre qui change la vie. Très joli texte
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1 février 2018 at 21 h 21 min
Sans aucun doute. Si tu savais comme il me manque même si je suis restée en contacte. Bisous.
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2 février 2018 at 2 h 43 min
Un bout de toi est encore là-bas. Bisous
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2 février 2018 at 10 h 12 min
C’est magnifique, si bien écrit, si vivant, si beau.
Merci pour ce partage Kathou. Ca me rappelle un voyage que j’ai fait et qui m’a bouleversée…
ps – peut-on acheter ton livre et si oui, où?
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2 février 2018 at 22 h 41 min
Mais non, il n’est pas publié, il est encore sous la forme d’un manuscrit ! je fais des bouquins pour tout le monde sauf pour moi….Grrrrrrrrrrrr
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5 février 2018 at 10 h 55 min
Dommage…
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4 février 2018 at 10 h 08 min
C’est trop beau Catherine. Moi aussi je rêve d’aller visiter plusieurs pays d’Afrique. Ma peur c’est celle des insectes, mais c’est tellement dommage de s’arrêter à ça… J’adore cet extrait et j’espère qu’il y en aura d’autres ! Bisous !
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11 février 2018 at 16 h 42 min
Tu sais quoi Maéva, je n’ai jamais vu aussi peu d’insecte qu’au Togo ! Bon, quelques cafards bien gras de temps en temps, des lucioles partout la nuit, des chauves souris dans les arbres mais franchement rien de bien méchant… Et un jour ou j’étais dans la maison d’un français dans la brousse, il m’emmène faire une balade et il me dit : » je vais passer devant toi car ici y’a des Naja « …Kesako, des Najas ? Oui, le genre de serpent qui s’il te pique, en 1/2 heure, t’est mort… mais bon c’était en pleine brousse et franchement c’était le premier à me raconter une histoire pareille et je n’ai jamais vu l’animal en question. je trouve que le plus flippant c’est le paludisme. C’est pour cela que je n’ai jamais osé emmener Timothé quand il était petit….
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